Le but de cet article est de montrer en quoi le terme hyperonyme « homosexuel » inventé en 1864 a recouvert et effacé toutes une série de termes signifiant des pratiques sexuelles entre hommes et entre femmes. Il vise à ouvrir une réflexion sur l’épistémologie de la pratique psychanalytique dans un contexte de visibilisation des LGBTQI++. En quoi certains dogmes de la psychanalyse sont-ils interrogés, voire semblent, pour certains, menacés ? L’une des ruptures épistémologiques et cliniques introduite par la théorie freudienne dans un contexte psychiatrique de catégorisation de la sexualité et de nosographie de ses « déviances » consiste en la dépathologisation du fait sexuel humain dans toutes ses dimensions, et Freud a conservé jusqu’aux derniers textes l’idée d’une polymorphie de la sexualité infantile. Dans quelle mesure ces réflexions sur les identités de sexe et de genre permettent-elles à la psychanalyse de réinventer ce qui a fait et qui fait encore son tranchant subversif ?

La lecture d’archives, de textes de la théorie Queer et des études de genre, articulés aux textes psychanalytiques concernant les questions de sexualité, montre en quoi l’acronyme LGBTQI++ est l’émergence d’une nouvelle dissémination.

Cette dissémination défait les catégories universalisantes, politise les corps et les plaisirs. Une certaine pratique psychanalytique s’en trouverait ici réinventée, tout du moins déplacée.

Certains appellent à une « mutation » de la psychanalyse face à ce qui défait les catégories et invente un langage. LGBTQI++ serait le retour du refoulé épistémologique de la psychanalyse.

LGBTQI++ serait-il l’acronyme de la mutation de la pratique psychanalytique ? Un dialogue entre la théorie et la pratique psychanalytiques et les dites minorités sexuelles se trouve renforcé par la dé-catégorisation LGBTQI++. Il s’agit donc bien de « réinterroger Éros » au cœur de la théorie et pratique analytique, d’accepter les relectures de la théorie analytique et la critique – venue des gender studies, ainsi que de la culture LGBTQI++ – de son vocabulaire.

The aim of this article is to show how the hyperonymous term “homosexual” invented in 1864 has covered up and erased a series of terms designating sexual practices between men and women. It aims to open a reflection on the epistemology of psychoanalytical practice in a context of LGBTQI++ visibility. In what way are certain dogmas of psychoanalysis questioned, or even seem, for some, threatened? One of the epistemological and clinical ruptures introduced by Freudian theory in a psychiatric context of categorization of sexuality and nosography of its “deviances” consists in the depathologization of the human sexual fact in all its dimensions, and Freud kept until the last texts the idea of a polymorphy of infantile sexuality. To what extent do these reflections on the identities of sex and gender allow psychoanalysis to reinvent what has made and still makes its subversive edge?

The reading of archives, queer theory and gender studies texts, articulated with psychoanalytic texts concerning questions of sexuality, shows how the acronym LGBTQI++ is the emergence of a new dissemination.

This dissemination defeats universalizing categories, politicizes bodies and pleasures. A certain psychoanalytical practice would be reinvented here, or at least displaced.

Some call for a “mutation” of psychoanalysis in the face of what defeats categories and invents a language. LGBTQI++ would be the return of the epistemological repression of psychoanalysis.

Would LGBTQI++ be the acronym for the mutation of psychoanalytic practice? A dialogue between psychoanalytic theory and practice and the so-called sexual minorities is reinforced by the de-categorization of LGBTQI++. It is therefore a matter of “reinterrogating Eros” at the heart of analytical theory and practice, of accepting the re-readings of analytical theory and criticism – coming from gender studies, as well as from LGBTQI++ culture – of its vocabulary.